Daron Daronne, bienvenue dans la madeleine du Graal ! Aujourd'hui, entrons dans un monument urbain disparu : la cabine téléphonique ! Cette boîte magique qui nous connectait au monde entier avant que nos poches ne deviennent des centrales de communication !
Ce son ! Cette mélodie métallique d'une pièce de 2 francs - puis 20 centimes d'euros - qu'on glissait dans la fente avec l'espoir qu'elle ne ressorte pas immédiatement par la trappe du bas ! La cabine téléphonique, ce refuge vitré au milieu de la ville, cette bulle d'intimité paradoxalement exposée à tous les regards.
L'histoire des cabines téléphoniques en France remonte aux années 1880, mais c'est vraiment dans les années 70-80-90 qu'elles ont connu leur âge d'or. De la cabine grise en métal des années 70, au mythique modèle "Publiphon" orange de France Télécom dans les années 90, jusqu'aux dernières cabines plus modernes des années 2000, elles ont forgé notre paysage urbain.
Qui n'a jamais vécu ce stress de la communication minutée ? "Allô maman ? Oui, je suis bien arrivé chez Julien... Non, j'ai pas oublié mes affaires... Oui, je rentre demain... Non, je ne serai pas en retard..." Et tout ça en gardant un œil sur le décompte des unités qui filaient à toute vitesse dès que l'appel était longue distance !
Et ce moment de panique quand le téléphone se mettait à bipper, signalant qu'il fallait vite insérer une nouvelle pièce ou dire au revoir dans la précipitation ! Quel stress ! On avait développé une véritable expertise en termes de synthèse orale : dire l'essentiel en un minimum de temps ! Bref tout le contraire des sonores insta d’aujourd’hui…
Les cabines, c'était aussi l'art de la patience ! Ces files d'attente qui se formaient devant, surtout le dimanche soir - jour de conversation avec la famille éloignée. On attendait notre tour en faisant mine de ne pas écouter la conversation du précédent usager, tout en écoutant absolument tout !
Et l'annuaire téléphonique ! Ce gros livre jaune et blanc suspendu sous le téléphone, aux pages souvent déchirées ou maculées de mystérieux numéros griffonnés dans les marges. Une base de données analogique de tous les numéros de le région, consultable par tous !
Les cabines téléphoniques étaient aussi le théâtre de nombreuses scènes de notre quotidien. Qui n'a jamais appelé un ami pour dire qu'on serait en retard ? Qui n'a jamais passé cet appel crucial pour un rendez-vous amoureux ? Qui n'a jamais laissé un message à ses parents en mode "Appelez-moi à la cabine de la place du village à 19h précises" ?
C'était l'époque où il fallait toujours avoir des pièces sur soi. La monnaie prenait une importance capitale. On en quémandait partout : "Vous n'auriez pas la monnaie d'un billet de 100 francs ? C'est pour téléphoner." On gardait précieusement nos pièces pour les appels d'urgence.
Et l'arrivée des cartes téléphoniques ! Cette révolution ! Plus besoin de monnaie, on avait notre précieuse carte avec son crédit prépayé. Certaines devenaient même des objets de collection avec leurs visuels publicitaires ou artistiques. Qui se souvient des cartes "Avions" ou "Tintin" qu'on s'échangeait dans la cour de récré ?
La cabine, c'était aussi ce plaisir tactile de raccrocher le combiné avec énergie après une conversation houleuse. Un geste libérateur que le smartphone nous a définitivement volé. Aujourd'hui, on ne peut plus que "raccrocher au nez" virtuellement, sans ce bruit satisfaisant du plastique contre le métal !
Et puis, progressivement, les portables sont arrivés. D'abord réservés aux cadres supérieurs et aux urgentistes, ils se sont démocratisés à la fin des années 90. Les cabines ont commencé à se vider, à se dégrader. France Télécom, devenu Orange, a entamé leur retrait progressif dès 2015.
Aujourd'hui, les cabines téléphoniques ont pratiquement disparu de notre paysage. Sur les 300 000 cabines qui existaient en France dans les années 80-90, il n'en restait plus que quelques centaines en 2019, et elles ont été complètement démantelées depuis. Certaines ont connu une seconde vie en devenant des mini-bibliothèques, des défibrillateurs, ou sont conservées comme patrimoine historique.
Ironiquement, ces cabines téléphoniques qui nous ennuyaient parfois sont devenues des objets de nostalgie. On les photographie quand on en trouve encore une, on les reproduit en miniature comme objets déco, elles apparaissent dans des films d'époque comme marqueurs temporels.
Elles représentaient une époque où être injoignable était la norme, où l'on pouvait véritablement disparaître pendant quelques heures sans que personne ne s'inquiète. Une époque où les conversations téléphoniques avaient une valeur particulière, justement parce qu'elles n'étaient pas possibles à tout moment.
Alors, chers auditeurs, la prochaine fois que votre smartphone vibrera dans votre poche, ayez une pensée émue pour ces sentinelles urbaines disparues, ces points de connexion qui ont guidé notre jeunesse. Les cabines téléphoniques : elles étaient moches, parfois malodorantes, souvent vandalisées, mais elles étaient notre lien avec le monde, notre internet analogique, notre réseau social avant l'heure !
C'était la madeleine du Graal, À bientôt, pour un nouveau voyage dans vos souvenirs.